« La Quête de Soi »
La chronique d’Éléna Fourès, expert en leadership et multiculturalité,
fondatrice du cabinet IDEM PER IDEM.
elena.foures@idem-per-idem.com
Il m’arrive souvent d’entendre en session de travail : « Je ne suis pas comme cela… ». Ce genre de croyance est basé sur des expériences passées ou des retours de votre entourage, qui, comme un album photo, vous renvoient des clichés de vous-même. Cependant, une photo n’est jamais une représentation juste ni objective de la réalité qu’elle saisit. Alors comment naviguer parmi ces miroirs déformants pour dessiner une représentation de Soi qui vous soit aidante ?
« Pour être confirmé(e) dans mon identité, je dépends entièrement des autres. » (Hannah Arendt). Commençons par accepter que la construction de Soi est une combinaison d’éléments internes (rêves, désirs, projets) et surtout externes (feed-backs, réactions). Souvent, c’est ce que notre entourage nous renvoie qui nous confirme ou non dans un trait de caractère. Résultat, nous devenons passifs, nous attendons de nous découvrir, plutôt que décider de ce que nous voulons être. Les « autres », et leur subjectivité, finissent par avoir plus de valeur que notre propre idée de nous-mêmes.
Surtout, cessez de considérer l’identité comme quelque chose d’immuable : nous sommes des êtres hautement évolutifs à la plasticité incroyable. Notre identité est permanente seulement dans son évolution. Elle grandit, mature et se transforme : il faut la dérouler comme un film, qui contient 24 images par seconde, et donc énormément d’éléments et d’informations. Nous sommes tous beaucoup plus riches en facettes différentes, parfois contradictoires, que nous ne l’imaginons. Mais impossible de dévoiler tout, tout d’un coup dans une situation donnée ! Dans la communication avec l’autre, la clarté et la cohérence sont nécessaires pour construire la confiance. Donc, dans un souci d’efficacité, nous avons pris l’habitude de ne dévoiler que quelques facettes à la fois.
Il est fondamental d’inclure en permanence de nouvelles facettes de Soi, de se remettre en question : « Est-ce que j’ai envie d’être comme ça ? ». Le rêve est une phase de la « Quête de soi » essentielle et très injustement sous-estimée, car rien de grand ne peut se réaliser sans cette projection puissante de votre désir. De la force de votre rêve dépend votre niveau d’ambition, votre envie d’y arriver. C’est un carburant fondamental qu’il faut ré-apprivoiser, car les rêveurs sont peu valorisés dans notre société contemporaine… Rudolph Noureev, qui a découvert la danse classique sur le tard et rêvait d’être une étoile de ballet, a provoqué le rire des professionnels qui lui ont dit : on commence la danse à 6 ans et il est peu probable d’y réussir sans le parcours sur 12 ans de 8h d’entraînement par jour. Mais son rêve était si puissant, qu’il s’est dédié à la Cause du Ballet qu’il a révolutionné, en donnant aux danseurs-hommes un autre rôle que celui de simple support des gracieuses ballerines.
Attention, cela ne signifie pas que l’Identité n’est pas quelque chose de tangible ! Ainsi, nos valeurs et nos convictions en constituent le squelette en la structurant. C’est ce qui a permis à Gandhi de se transformer d’avocat à succès en leader national de la cause d’indépendance de l’Inde, ou à Henri Poincaré de devenir un illustre mathématicien malgré un zéro dans cette matière au Baccalauréat (sur un sujet qu’il fera avancer par ailleurs plus tard).
Ils se sont réinventés sur la base de leurs convictions et valeurs personnelles, et pas sur leurs expériences passées : « notre identité n’est pas une aptitude à reproduire ce qu’on a été mais à devenir autre. » (F. Castan).
A FAIRE
Rêver sans modération
Oubliez les réflexions comme « Faut pas rêver ». Ce sont des « virus mentaux » à bannir. Stimulez votre imaginaire en rêvant régulièrement à des futurs sans limitations, où tout est possible ! Plus ce sera précis, plus ce sera concret pour vous et plus ce sera facile à réaliser. Donnez-vous comme objectif d’incarner vos rêves.
Coucher ses réflexions par écrit
Pour les Égyptiens de l’Antiquité, écrire revenait à rendre réels les faits décrits. Couchez donc vos rêves et pensées sur vous-même sur papier. Structurez vos idées, mettez les choses à plat et hiérarchisez-les. N’hésitez pas à revenir sur vos écrits et à les préciser, les changer et les relire. Vous pourrez en constater l’évolution, la réalisation, et cela vous encouragera.
Avoir un(e) allié(e)
Impossible d’être au four et au moulin ! Le rôle de votre entourage est donc fondamental dans votre Quête de Soi. Choisissez une personne de confiance pour vous aider, pour être votre opérateur caméra. Ce point fixe vous permettra de vous orienter et de ne pas vous perdre. Posez-lui des questions sur vous, sur les réactions de votre entourage, bref, faites-en un miroir.
A ÉVITER
Nous prenons le retour de notre entourage pour argent comptant, jusqu’à le craindre, surtout en phase d’évolution. La question « Comment vont-ils réagir ? » nous vient avant « Est-ce que c’est ce que je veux ? ». Transformez votre crainte en curiosité, et accompagnez votre entourage en commentant vos intentions.Refuser de « changer »
Beaucoup de personnes résistent en affirmant être satisfaits de ce qu’elles sont. Or, il ne s’agit pas de « changer », mais de grandir, d’être capable de naviguer une multitude de comportements et de s’adapter au mieux aux situations qui se présentent. Vos anciennes « facettes » restent toujours à votre disposition, sans lesrisques d’angles morts et de « virus mentaux ».Devenir incohérent(e)
Avoir des facettes contradictoires n’est pas un souci, à condition de les gérer pour être cohérent(e) dans leurs manifestations : dans la vie personnelle je suis impatient(e), et pas dans le travail. Sinon vous passerez pour quelqu’un de faux ou de superficiel. Se gouverner signifie d’abdiquer une image trop primaire de Soi, gérer et commenter ses contradictions internes, les aplanir pour votre entourage.