« Je ne sais pas saisir les opportunités »
La chronique d’Éléna Fourès, expert en leadership et multiculturalité,
fondatrice du cabinet IDEM PER IDEM.
elena.foures@idem-per-idem.com
Un de mes clients, qui croit « ne pas savoir saisir les opportunités » après avoir « raté » (selon lui) un poste où il avait candidaté, s’est fixé l’objectif d’acquérir cette capacité. Voici les conclusions de notre session de travail :
Premièrement, pour saisir les opportunités, il faut déjà qu’elles « se présentent », autrement dit surgissent de façon apparente, car la plupart du temps elles sont latentes. Il est donc urgent de les « révéler ». Sir Richard Branson, patron et fondateur de Virgin, compare les opportunités à des bus et estime que « il y en a toujours une autre qui arrive. ». Cela implique la capacité à se renseigner sur le plan de desserte, les horaires, les tarifs de montée, les signes pour qu’il s’arrête, et d’avoir la patience d’attendre le suivant…
Deuxièmement, il faut trier entre les opportunités, les leurres et les pièges. Dans le cas de mon client, il s’agissait clairement de leurre : dans la sélection des candidats au poste, le futur responsable avait déjà été choisi pour des raisons politiques, mon client étant simplement instrumentalisé pour donner une apparence de sélection méritocratique. Quant aux pièges, ce sont des possibilités qui s’ouvrent en présentant des avantages qui font écho à vos « points faibles » (sécurité, tranquillité), et qui vous font régresser sur votre chemin professionnel. Prenez du recul et inscrivez les propositions dans le temps en prenant en compte d’où vous venez et où vous allez pour faire la différence entre les opportunités réelles, et les illusions.
Troisièmement, les opportunités qui se présentent sont générées par vous. Elles font écho à vos attentes profondes, votre représentation du monde du travail, et résultent directement de votre interaction avec lui. Une des règles de sémantique est là : nos croyances sont toujours validées. Ce n’est pas un hasard si un grand nombre d’hommes d’affaires verbalisent des croyances fortes à ce sujet, comme John D. Rockefeller par exemple : « J’ai toujours essayé de transformer les désastres en opportunités. ».
Quatrièmement, et le point le plus important est là : il ne s’agit pas tant de saisir les opportunités, mais de les créer. Communiquer tout azimut que vous attendez telle ou telle opportunité sert à « orienter » les choses vers vous et… à brûler vos vaisseaux. Car les opportunités ne surgissent pas en situation de non engagement de type « Oui, mais », elles ne vous « tombent pas sur la tête » par hasard. Bannissez les tergiversations, et alors vous vous battrez pour votre avenir et ne pourrez que gagner.
Cinquièmement, de façon paradoxale, rien ne peut se réaliser sans la capacité à « s’abandonner » à l’opportunité qui se présente. J’appellerai cela « humilité » d’attitude, car après tout, on ne maîtrise pas tout et il est important de le reconnaître. Cela me fait penser au choc que j’ai eu en découvrant la devise des Princes Borromées – dynastie illustre du Nord de l’Italie – quand j’ai visité leur palais au milieu du Lago Maggiore : « Humilitas ». Gravée partout, elle exprime exactement que toute réussite ne dépend pas que de nous, et qu’il faut être prêt à toute éventualité. L’intégrer dans votre posture ajoute de la souplesse et de la réactivité, et vous évite de vous crisper sur une seule issue possible.
Pour conclure, je dirai qu’il faut cultiver une saine dose d’optimisme pour savoir reconnaître les opportunités, même lorsqu’elles sont cachées. Suivez le conseil de Winston Churchill : « Un pessimiste voit la difficulté dans chaque opportunité, un optimiste voit l’opportunité dans chaque difficulté. ».
A FAIRE
Cultiver un état d’ouverture
Commencez par changer votre image de vous-même : passez de « je suis quelqu’un qui ne sait pas saisir les opportunités » à « je suis quelqu’un qui est ouvert et qui est prêt à les détecter où à les provoquer ». La verbalisation est FONDAMENTALE car elle conditionne en amont vos réactions à une situation donnée et concrétise vos ambitions.
S’entraîner
Ce n’est pas tant saisir l’opportunité qui est difficile, mais bien la reconnaître ! Considérez votre trajectoire professionnelle pour vérifier que votre ascension se maintient à moyen terme, sinon c’est un piège. Ecoutez votre instinct et explorez les zones d’ombres et agendas cachés, cela vous évitera les leurres.
Être pro-actif
Sollicitez régulièrement votre entourage professionnel, communiquez sur vos attentes, projets, rêves. Concentrez-vous sur l’effort sincère de recréer la relation, et soyez ouverts à l’évolution de celle-ci (ainsi vous ne paraîtrez pas « intéressés » et dans une démarche purement « alimentaire »).
A ÉVITER
Être passif
N’imaginez pas que les opportunités croisent votre route régulièrement par hasard : c’est faux ! Les opportunités sont des corps astraux que vous devez dévier et attirer à vous avec votre propre force gravitationnelle. Cultivez-la et soyez à l’affût.
Se crisper sur ses envies
Avoir un objectif précis est un atout majeur, car il focalise vos efforts et augmente vos chances de réussir. Se crisper sur lui en refusant toute autre issue est dangereux, car cela vous empêche d’être clairvoyant et de distinguer les opportunités réelles. Apprenez à distinguer but et moyen, et vous ne tomberez jamais dans ce travers.
Vouloir tout contrôler
C’est le signe d’un manque cruel d’humilité, et le meilleur moyen de rater sa chance… Toute opportunité est une chose vivante et mouvante : il faut donc la saisir avec un mélange de délicatesse, souplesse et fermeté. Après avoir joué le rôle de leader pour l’attirer à soi, on devient suiveur pour l’apprivoiser et transformer l’essai. Attention cela ne signifie pas que l’on lâche les commandes, mais que l’on suit le mouvement tout en étant prêt à réagir en cas de turbulences.