L’estime de soi, un actif personnel fondamental

La chronique d’Éléna Fourès, expert en leadership et multiculturalité,
fondatrice du cabinet IDEM PER IDEM.
elena.foures@idem-per-idem.com

Le déficit d’estime de soi est une constante dans le biotope culturel français. Il se combine paradoxalement avec une certaine arrogance intellectuelle qui ne cesse de méduser les observateurs étrangers.

L’estime de soi est systématiquement détruite dans l’Hexagone. Tout commence par la famille : lorsqu’un bébé naît, il lui suffit d’être et tout le monde s’extasie. Cet état de grâce ne dure pas : quelques mois plus tard, ses parents s’interrogeront pourquoi, à 15 mois, il ne marche pas encore, tandis qu’un autre le fait déjà à 12. Bienvenue dans le monde de la performance, dans le monde du faire !

Par la suite, en le critiquant sur tout ce qu’il fait mal, ses parents, sans le vouloir, instilleront dans sa tête le virus mental « tu es ce que tu fais ». Le système scolaire ira même plus loin en y ajoutant un « trône mental » de référence externe : des facteurs extérieurs (les notes, les compliments, les feedbacks positifs ou négatifs des autres) sont érigés en absolu qui détermine si l’on est bon ou pas. Les diplômes, les concours, les étiquettes des grandes écoles, en sont également des marqueurs, et signent le déficit du capital d’estime de soi.

Le « trône mental » de référence externe sévit dans notre biotope culturel et fabrique des individus fragiles qui, sous une fine croute d’arrogance intellectuelle, sont très inconsistants émotionnellement : c’est le fameux « syndrome de la langouste », dont le corps est pratiquement liquide sous sa carapace ; si on y opère un trou, on peut le boire.

S’il s’était laissé atteindre, Albert Einstein ne serait jamais devenu physicien, tellement ses notes étaient mauvaises à l’école. Mais il était en référence interne et il savait qu’il était capable de révolutionner la science.

Le monde de travail ajoute un autre « virus mental » qui se combine avec les précédents : « tu es ce que tu as » illustré par la fameuse phrase « Si tu n’as pas la montre X ou Y à 40 ans, c’est que tu n’as pas réussi ».

Cette zombification progressive de nos élites résulte en une défaillance générale de l’estime de soi, ce qui, à son tour, affecte le leadership, car les deux sont parfaitement corrélés.

En effet, développer le leadership a un pré requis : le capital d’estime de soi. Véritable « actif » personnel (« asset » en anglais), il est critique pour le leadership. Défaillant, il empêchera la personne de se mettre en avant en leader pour exprimer une ambition ou énoncer ses convictions. Adéquat, il nourrit, à son tour, la confiance en soi, procurant la sécurité intérieure, assurant au leader son « assiette de stabilité » émotionnelle.

En conclusion, selon » Rabindranath Tagore « … c’est l’effort de toute une vie de connaître et honorer son vrai moi ». 

A FAIRE

1 // Cultiver l’estime de soi
Se reconnaître ses qualités et accepter ses défauts, selon le principe de réalité, pour s’apprécier dans l’unique configuration de votre « je suis Moi ».

2 // Se répéter le mantra «  Je suis OK »
Vous avez même le droit de mal faire, puisque vous n’êtes pas ce que vous faites.

3 // Apprendre à se faire des compliments
N’hésitez pas à le faire à haute voix, et pas seulement mentalement, pour être juste avec vous-même. Sourire lorsqu’on vous complimente.

A ÉVITER

1 // Copier les parents
Ne vous critiquez pas sans cesse. C’est stérile et nocif pour votre posture de leader.

2 // Faire semblant
Impossible d’imiter l’estime de soi, elle ne se compose pas. Vous risquez d’en faire trop et de trahir un besoin de compensation.

3 // Se résigner
Ce serait renoncer à être leader, sans même essayer. Donnez-vous le temps de grandir.